par Jérôme
le 14 septembre 2014 à 21:43
Aucun doute sur le fait que Yves Saint Laurent valait bien un film. Et même deux films puisque après le biopic signé Jalil Lespert (sorti en ce début d'année), arrive enfin sur les écrans la vision très personnelle du réalisateur Bertrand Bonnello, l'auteur du Pornographe, de Tiresia, De la guerre ou encore L'Apollonide. Comme dans ses films précédents, le réalisateur nous plonge dans un univers troublant…. L'attente fut longue depuis mai 2014 où le film fut présenté sur la Croisette.
Bertrand Bonello nous propose d'assister à des fragments des multiples "vies" de YSL (on peut l'appeler ainsi, nous sommes intimes maintenant...) mais sans recours aux « tics » du style biographique habituel. Au contraire, c'est de manière non-linéaire que le réalisateur a choisi de mettre en scène la relation amoureuse dissolue et ambiguë du grand styliste avec son compagnon Pierre Bergé… Vous verrez YSL également dans son travail quotidien, ou encore endosser le costume de dandy mondain. Et en fait très et trop peu sans masques et sans artifices...
Le film traite donc beaucoup plus du microcosme mondain que des sentiments intérieurs du protagoniste. Le mystère restera entier même aux termes des deux heures trente de projection Ce qui est en totale contradiction avec le sentiment de claustrophobie ressenti par le spectateur. C'est un peu comme si toute la vie du styliste fut confinée dans ces (et ses) intérieurs. "Je me suis construit ma propre prison alors je ne vais pas la détruire" exprime YSL joué par Gaspard Ulliel qui délivre à ce titre une épatante composition. L'égérie de Chanel incarne totalement cette élégance et cette retenue intrigante. Pourtant plus en retrait, Jéremie Rénier campe un Pierre Bergé figure de Pouvoir et businessman, ébloui par la beauté et le talent du styliste.
AInsi Bertrand Bonello filme les souffrances et la marginalité que ces talents suscitent. En ce sens, le film surprend : jouant sur de multiples contrastes, le tissu est aussi fascinant de beauté que déroutant. Déroutant car le thème central du film de Bertrand Bonello est en fait la frustration d'une personnalité mystérieuse. Frustration qui conduira inexorablement vers la destruction. Sous des apparences parfaites et des lignes idéales, demeurent des troubles dévastateurs que même l'amour de Pierre Bergé ne put vraiment apaiser. Le regard fragile et malicieux de Gaspar Ulliel, conjugué à son jeu sobre et passionné apportent énormément à l'atmosphère générale noire et intrigante.
« Je ne voulais pas devenir Yves Saint Laurent, je voulais juste le rendre vrai. Et pour qu'une émotion soit vraie, il faut qu'elle résonne à l'intérieur de vous… Yves Saint Laurent était connu pour son extrême timidité - même si on peut se demander si elle était réelle. Je crois même que c'était un faux timide. Comme tous les grands génies, il avait une vraie confiance en lui, une sorte de sentiment de supériorité. A certains moments, il est en pleine confiance avec cette sensation d'être au-dessus des autres. Il avait une très haute estime de lui. Je n'avais pas forcément ce paradoxe en tête quand j'ai accepté le rôle… » avait déclaré Gaspar Ulliel.
Amateurs de cinéma français élégant et improbable, Saint Laurent par Bertrand Bonello est taillé pour vous sur mesure !
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