par Jérôme
le 21 octobre 2014 à 23:53
Le troisième film de Céline Sciamma (Naissance des pieuvres, Tomboy) était très attendu sur la Croisette en mai dernier et faisait l'ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Nous n'avions hélas pas pu le découvrir à Cannes (trop de monde dans les filles d'attentes et trop de bons films en même temps ce jour là) et vous en parler alors. Mais disons-le haut et fort maintenant: Bande de filles est un pari gagné pour la singulière réalisatrice française et le film confirme tout le talent de Céline Sciamma pour parler de l'adolescence tourmentée.
Bande de filles dresse un tableau de ces filles des quartiers loin de tous clichés et aux antipodes de ce que le cinéma français nous a offert de voir sur les banlieues jusqu'à présent. Tous les personnages du film, filles et garçons sont noirs. Marieme a 16 ans et, comme beaucoup d'adolescents, cherche sa voie, et se cherche. Elle s'adapte pour (sur)vivre selon les codes des hommes de la cité, entre l'autorité violente de son frère ainé, un système scolaire indifférent et ses copines du quartier. Quel avenir s'offre alors pour ces adolescentes sinon celui des "horizons bouchés" ?
Pourtant pour s'en sortir, il faut être prêt à se battre...et le film s'ouvre justement sur une saisissante scène de jeu de football américain comparable à une lutte. La liberté a un prix et seuls les plus forts la gagneront. Rien d'étonnant donc à ce que Marieme se fasse très vite appeler "Vic", le diminutif de Victoire dans sa vie sociale. Sa recherche identitaire est ponctuée par plusieurs affrontements. Chacune de ses expériences forgeant chaque fois un peu plus son caractère, la recherche de sa vision de la liberté la motive. Liberté qui se matérialise alors en des tons bleutés apparaissant très souvent au cours du film...notamment lors de LA scène chorégraphie sur le tube "Diamonds" de Rihanna. Pour les autres scènes bleutées, nous vous laissons les découvrir par vous même: on ne va tout vous dévoiler non plus !
Céline Sciamma filme ses protagonistes avec un infini respect et démine tout préjugé sur ces filles du quartier que nous croisons toutes et tous dans le métro ou dans la rue. Pas de lyrisme emphatique ou de misérabilisme outrancier...pas de jugement non plus... Marième/Vic assume ses choix et se heurte aux limites et aux pièges de son comportement et de ses propres actes. La mise en scène de Céline Sciamma s'appuie sur des ellipses pour mieux fractionner le récit et révéler les "phases" de l'évolution de l'héroïne, comme le faisait Katell Quilevere dans Suzanne. Les fragments de la vie de Marieme/Vic qui nous sont contés sont ainsi intercalés par un fondu au noir chargé de la musique intrigante du groupe Para One qui avait déjà signé la bande originale de Naissance des pieuvres et la chanson de Tomboy. Sur la longueur du film, ces effets de mise en scène attisent la curiosité du spectateur et s'avèrent fort habiles.
Dommage que la toute dernière partie du film en rajoute un peu trop. Vic doit elle devenir un "Homme" pour être aussi libre comme le sont les hommes qu'elle côtoie? Cet ultime questionnement n'était peut être pas nécessaire même s'il souligne le rôle essentiel du modèle paternel sur l'éducation en général et sur sur la personnalité de Vic en l'occurrence. Alors que tout le reste du film ne présentait aucune vulgarité (aussi bien dans les actes que dans les dialogues) ni voyeurisme, nous regrettons de les voir apparaître alors. Mais même si cette dernière partie reste la moins convaincante, elle ne remet pas pour autant en question les nombreuses qualités du film et les valeurs humaines qu'il véhicule.
Bande de Filles invite donc à la réflexion et communique réellement un point de vue différent sur la banlieue à travers le regard attachant porté sur ses héroïnes. Vous en doutez? Allez voir le film et vous n'écouterez déjà plus jamais le tube de Rihanna de la même manière! Votre propre regard sur les filles de quartier pourrait bien changer. Car ces filles ne sont réellement pas des personnages fictifs que la réalisateur aurait idéalisés. En ce sens, le casting du film fut particulièrement difficile car la réalisatrice tenait à avoir des actrices non professionnelles: "Le casting s'est déroulé sur une période de 4 mois. Un casting sauvage qui nous a fait rencontrer des centaines de jeunes filles, croisées dans la rue, les centres commerciaux, la Foire du Trône...mais je dois dire que nous étions soufflés par la grande qualité de présence et d'énergie de la majorité des filles que nous avons rencontrées. De l'intelligence, de l'humour, de l'invention, du style: le processus de casting m'a complètement confortée dans l'idée que les filmer était indispensable"
Enfin, Céline Sciamma tenait absolument à utiliser une musique contemporaine pour cette fameuse scène de danse pour laquelle elle dut demander l'autorisation aux agents de Rihanna. Leur réponse fut positive une fois seulement que la star eut visionné elle-même la scène. De l'audace...encore et toujours de l'audace ! Dans le Cinéma français actuel, cette audace mérite toute votre attention.
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La bande annonce :
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