par Jérôme
le 10 avril 2015 à 00:26
Lost River est le premier film de l'acteur canadien Ryan Gosling et celui-ci fut présenté à Cannes en 2014 dans la section Un Certain Regard. Le film qui était pourtant très attendu avait alors divisé mais n'avait pas laissé indifférent.
Le film sort enfin sur nos écrans français ce mercredi 8 avril et l'attente fut longue. Nous avons eu la chance de le découvrir en avant-première à Paris. Ryan Gosling et Reda Kateb étaient présents et ont répondu aux nombreuses questions des spectateurs troublés et marqués. Nous allons tenter de vous retranscrire dans ces quelques lignes nos émotions tout en vous communiquant des pistes de lecture utiles pour vous préparer au mieux au spectacle.
Lost River est un cauchemar éveillé et une œuvre qui emprunte à de nombreuses références : on pense beaucoup à David Lynch et à Twin Peaks, parfois à Malick (pour la beauté des plans), à Kubrick (pour les travellings avant) et enfin à Nicolas Winding Refn et Derek Cianfrance, tous deux amis de Ryan Gosling l'ayant dirigé auparavant. Avant de vous plonger dans ce « Dark Goonies » comme le décrit lui-même le réalisateur, soyez prêts à vous laisser embarquer pour un voyage troublant, à la fois familial, arty, glauque, et fascinant.
Dès le générique, nous avons été saisis par la beauté des images. Ryan Gosling a de belles références certes mais il les utilise réellement à dessein de son histoire, sans plagier. En admirateur du travail de Gaspar Noé, Ryan Gosling s'est offert son directeur photo attitré : Benoit Debie. Lost River a été retravaillé depuis sa présentation à Cannes car il utilisait alors des musiques empruntées et donc non autorisées. Du coup, Ryan Gosling a fait alors appel à Johnny Jewel qui avait signé les compositions de Bronson et Drive de Nicolas Winding Refn, le compère de Ryan Gosling. Le résultat est une bande originale qui colle aux tympans et qui apporte beaucoup à l'ambiance globale du film.
Devant le trouble qui gagne le spectateur (on a l'impression d'être en immersion), on en vient à se demander d'où vient la genèse de cette histoire. Ryan Gosling a répondu avec humour à cette question en disant « qu'il était passé derrière la caméra pour la sécurité de l'emploi ». En vérité, c'est en découvrant l'état dans lequel se trouvent certains quartiers de la ville de Détroit (autrefois emblématique du rêve américain) que l'urgence de filmer là-bas une histoire oscillant entre rêve et réalité lui est venue. Lost River a ainsi été filmé en décors réels à Détroit même. Egalement, certaines séquences s'inspirent aussi de l'enfance et des peurs enfantines du réalisateur. Pourtant, ce n'est pas pour sa dimension cathartique que le scénario de Lost River impressionne. Ryan Gosling révèle un immense talent pour ménager le suspense et captiver son spectateur. La scène dite de la « station-service » trône en cela parmi les scènes les plus angoissantes qu'il nous ait été offert de découvrir depuis ce début d'année cinématographique 2015.
Lost River n'est pas un délire graphique gratuit ni encore moins un exercice de style visuel prétentieux : c'est un conte de fées cauchemardesque dans un univers post-crises où règne la sauvagerie. Le malheur présent y est représenté comme une malédiction imaginaire. Chacun est libre de s'adapter selon ses contraintes (en particulier familiales) ou bien, le cas échéant, de prendre une nouvelle voie…
Pour un coup d'essai, voilà bien une belle réussite. Notre seul petit bémol sur cette première composition du talentueux Ryan Gosling viendra du fait que celui-ci n'a finalement rien inventé avec Lost River. David Lynch a marqué le Cinéma au fer rouge avant lui. Mais sa maitrise est saisissante. L'expérience est de taille et il y a de fortes chances que de nombreuses images vous marquent à votre tour. De mon simple avis, Lost River est un futur film culte. Pas moins.
On vous laisse avec la bande-annonce du film :
"L'autoroute qui menait à la rivière."
Ryan Gosling le beau gosse blond canadien signe son premier film en tant que réalisateur. Après s'être fait remarquer dans le très bon "Drive" de Nicolas Winding Refn, l'acteur vedette du film accomplit enfin une volonté sincère : faire oublier la plastique d'une "star" de ciné trop exposée, pour proposer une histoire, son histoire. Et donc passer derrière la caméra. Pari osé, mais remporté.
Grand admirateur de David Lynch que je suis, voilà un film que j'attendais beaucoup. Cela fait maintenant plusieurs années que le maître a délaissé la caméra pour des pinceaux, des guitares et autres projets personnels. Un vide s'était installé dans le cinéma d'auteur, sombre et torturé. Ce vide, en attendant l'hypothétique retour de la série Twin Peaks pour 2016 (pour laquelle David Lynch semble s'être finalement détaché), se trouve désormais comblé en partie. Par un jeune homme qui a su faire preuve d'audace, au risque de passer pour plagieur : Ryan Gosling.
Depuis plus d'un an déjà, des images aux teintes violettes d'une femme comme etouffée dans un sachet me rappelaient que ce film devrait un jour compter pour moi. C'est donc ce samedi 11 Avril 2015 que j'ai pu assouvir mon désir de poser mes yeux sur l'intriguante barque dans laquelle Ryan Gosling réalisateur a bien voulu nous faire voyager.
Alors oui le film est vraiment peuplé de références à son mentor, d'effets d'images utilisés et travaillés par ce dernier. Ce qui parfois peut faire sourire. Mais cela ne contamine jamais le récit de la première oeuvre de Gosling en tant que metteur en scène. Cela peut en revanche clairement paraître comme une limite pour le film. Aurait-on été aussi indulgent envers un premier réalisateur s'il ne s'agissait pas de l'un des plus beaux mecs du monde ? Avouons-le nous, ce réalisateur aurait essuyé de gros revers critiques. Mais sincèrement, il y a pire comme référence cinématographique que celle de David Lynch. Avoir une vision commune du récit avec celui qui réalisa entre autres Elephant Man, Blue Velvet, Lost Highway et Mulholland Drive, c'est tout de même à saluer.
Pour en finir avec la référence majeure de Gosling, il va être intéressant dans le futur du désormais réalisateur canadien, d'observer comment celui-ci va se détacher de l'univers lynchien (qui l'a visiblement bien marqué) pour mettre en avant ses propres techniques de mise en scène, qui lui permettront de suggérer telle ou telle atmosphère, bascule ou rupture. Pour l'instant Lost River (et je peux tout à fait le comprendre) fait office de vibrant hommage rendu au maître avec ses éclairs bleus, ses personnages déchirés physiquement, ses plastiques féminines, ses maisons qui brûlent, ses phares de voiture déchirant le bitume dans la nuit. Il me tarde de poser mes yeux sur sa seconde création. Pour voir ce que Gosling aura créé réellement cette fois "techniquement". Pour un mec qui a porté "Drive" vers le haut, je suis sur qu'il en a encore sous la pédale. Il est vrai que là, nous entrons dans son univers, l'opération est réussite, mais on ne peut s'empêcher de penser souvent à Twin Peaks pour son goût prononcé pour le rouge, aux muses de Mulholland Drive (ainsi qu'à la vieille dame du club Silencio ici retrouvée en grand-mère muette et immobile), aux plans sombres et/ou incandescents de Lost Highway, au Dennis Hopper de Blue Velvet quand apparait un banquier peu scrupuleux, ou quand Billy se taille le visage au club (et dont la découpe précise m'a pendant un instant fait repenser au Almodovar de La Piel Que Habito). Il existe pleins d'autres références à Lynch dans ce Lost River. Mais il ne s'agit en rien d'un "simulacre de film" comme le Nouvel Obs voudrait le faire entendre. Il s'agit d'un essai, à saluer et à accompagner selon moi.
Gosling a su créer avec très peu de choses en fait, une belle histoire qui nous transporte du début à la fin. Le parallèle entre l'envie d'envol du fils et la lente descente aux enfers de la mère fonctionne. C'est une certitude et les techniques employées pour nous emmener dans ce Détroit complètement défoncé de toute part contribuent à rendre le voyage plus que facile. On a peur, on est tendu, on compatit, on veut se sauver, on s'étouffe comme le font les personnages. L'objectif du réalisateur est donc atteint. Comme le dit Jérôme, certains plans rappellent aussi le cinéaste Terrence Malick et son don pour la beauté visuelle, notamment avec son jeu de lumières naturelles et ses caméras qui suivent les personnages. Ceux-ci sont pour la plupart bien intégrés au film, et l'on a même la chance de retrouver le "français qui monte", alias Reda Kateb, que personnellement j'adore. Même si ici son rôle est plutôt sommaire, car voué à faire transiter les protagonistes d'un endroit à l'autre.
Au final, Lost River n'est pas une toile de maître passablement imitée. Loin de là, il est juste un beau début. C'est un bien bel hommage rendu à de très bons réalisateurs voilà tout. Artistiquement je pense à la sublime reprise d'Hallelujah de Leonard Cohen par Jeff Buckley. Un artiste peut reprendre le travail d'un autre, l'essentiel étant d'y apporter une histoire, une vision, une interprétation. Et c'est ce que fait ici Ryan Gosling dans son premier long métrage. A suivre donc...
SeB.
Rédigé par : Sébastien Villain | samedi 11 avril 2015 à 20:34