par Jérôme
le 13 janvier 2015 à 11:18
Il est temps de rire un peu grâce à ces Nouveaux Sauvages, dans sa version originale Relatos Salvajes, second film du jeune réalisateur argentin Damian Szifron (40 ans, c'est jeune hein). Peu de monde (nous y compris) avait entendu parler de lui avant Cannes 2014. Allons droit au but : c'est un bijou pour tout amateur d'humour noir. L'expérience est jubilatoire.
Nous avons effectivement beaucoup ri, mais aussi grincé des dents, devant ses 6 sketchs dont le point commun est une maladie contemporaine communément décrite par l'expression "perdre les pédales".
La première heure du film est de très haut vol (« presque » sans jeu de mots de ma part compte tenu de la détonante introduction du film dans un avion). Et après ce décollage fort réussi, vous allez vous délecter, entre autres, d'une course poursuite qui aurait pu figurer dans le Boulevard de la mort de Quentin Tarentino, ou encore d'un mariage fiasco que même Lars Von Trier n'aurait osé imaginer pour son Melancholia. Qui dit films à sketchs, pense forcément à séquences inégales. Et pourtant, à la fin des 2 heures de projection qui glissent comme une mariée en escarpins jetée sur une patinoire, il y a fort à parier que vous soyez frustrés de ne pas pouvoir en savourer d'avantage.
Ces 6 caricatures du quotidien moderne reposent toutes sur le même principe : jusqu'où peut aller un individu quand celui-ci lâche totalement prise sur lui-même et laisse exploser ses pulsions primaires de violences ? Cette « méchante » comédie nous a doublement surpris en compétition à Cannes dont les films n'ont pas pour habitude de déclencher l'hilarité générale.
Ce Relatos Salvajes est aussi osé que décapant ! Un croisement inattendu entre les Nouveaux Monstres de Dino Risi et Pulp Fiction. D'un point de vue de la narration comique, Damian Szifron maîtrise aussi bien la technique que les effets. Filmées en scope, chaque histoire nous entraine au-delà de frontières de décence que l'on n'avait pas vues aussi effrontément franchies depuis Albert Dupontel avec son premier film Bernie.
Prenez par exemple l'histoire de ses deux chauffards en colère : elle est aussi pathétique que burlesque tant la surenchère y est constamment relancée et minutieusement cadencée. Le scénario de Damian Szifron n'est ni gratuit ni vain car chacune de ces histoires de gens ordinaires en prise des « pétages de plombs » pas ordinaires communique réellement au spectateur une forme de plaisir libérateur. Ce plaisir de spectateur est-il « coupable » ? C'est bien en cela que réside la réussite du film qui nous divertit avec un culot et une impolitesse dont personne ne saurait user dans son quotidien…Ne perdons pas de vue que nous sommes dans une comédie, et que le burlesque nait de l'exagération des situations.
Le réalisateur Damian Szifron s'explique : « Je pense souvent à notre société occidentale et capitaliste comme une sorte de cage transparente qui amenuise notre sensibilité et dénature nos rapports. Les Nouveaux Sauvages opère sur un ensemble d'individus qui vivent dans cette cage tout en ignorant son existence. Mais là où n'importe qui déprime ou tente de se maîtriser, eux passent à l'action. La multiplicité d'histoires implique pour moi un acte libérateur en soi, car cela me relie directement au moment où j'ai pris goût à la lecture. Je me souviens comme si c'était hier de la découverte, dans la bibliothèque familiale, d'un tas d'anthologies éditées par le «Cercle des lecteurs» ayant captivé mon attention: Récits des maîtres du crime, Les maîtres du mystère, Les maîtres de l'horreur. Plus tard, viendraient les Histoires fantastiques produites par Spielberg, les New York Stories de Scorsese, Coppola, Woody Allen, ou encore les Neuf nouvelles de J.D. Salinger. Les chemins que toutes ses oeuvres ont frayés dans ma conscience ont configuré l'espace qui m'invite aujourd'hui au jeu, à la liberté créatrice et à l'expérimentation. »
Co-produit par la société de Pedro Almodovar et distribué par Warner Bros, Les Nouveaux Sauvages est une succession de sensations fortes comparables à des attractions de fêtes foraines. Alors accrochez bien vos ceintures. Vous êtes prévenus ! Thierry Frémaux avait annoncé que ce serait le film le plus original de la sélection officielle en 2014. Il n'avait pas tort.
Depuis son passage à Cannes, le film a cartonné au box-office argentin et fait office de favoris aux BAFTA européens… Nous voilà donc rassurés : nous ne sommes pas les seuls « malades » à apprécier ce genre de spectacle.
Qu'on se le dise : Relatos Salvajes est un film de fous, dans un monde de dingues... qui devrait faire écho en chacun de nous. Un défouloir cinématographique à déclarer d'intérêt public.
Restez vigilants sur notre fil Twitter @cannesenlive dès mercredi prochain car nous vous aurons le plaisir de vous faire gagner des invitations à découvrir Les Nouveaux Sauvages en salles. Elles sont valables dans toute la France.
Voici la bande-annonce du film même si nous vous conseillons d'en voir et d'en savoir le moins possible ;-)
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