par Jérôme
le 11 janvier 2015 à 21:22
par Queen and Country fut présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en mai 2014 lors du dernier festival de Cannes. Il arrive dans nos salles de Cinéma en ce début d'année 2015 pour nous égayer et c'est notre film « coup de cœur » de cette semaine.
Il faut dire que nous n'attendions pas ce nouveau film du réalisateur John Boorman compte tenu de son âge. Car le nom de John Boorman ne parle peut-être pas forcément aux plus jeunes d'entre vous mais pour beaucoup de cinéphiles, il demeure le réalisateur de grands films. Sa filmographie alterne grands succès populaires et films injustement oubliés et pourtant tous sont remarquables : de grand succès publics comme Excalibur et Délivrance bien sûr, mais aussi l'émouvant La forêt d'émeraude, Le Général et son magnifique noir et blanc, le kitchissime Zardoz avec Sean Connery, Rangoon avec Patricia Arquette, ou encore Hope and Glory (la guerre à 7 ans) inspiré des souvenirs d'enfance du réalisateur.
Queen and Country fait justement suite à Hope and Glory et se déroule neuf ans après la fin de ce premier film autobiographique, en 1952 très exactement. John Boorman était alors appelé à rejoindre le corps militaire pendant deux ans sous les drapeaux comme tous les autres jeunes garçons de 18 ans en Grande-Bretagne. Le réalisateur avoue que la plupart des personnages du film sont inspirés de sa propre famille et des personnes qu'il a pu rencontrer à cette époque. Tous les événements du film se sont donc déroulés de manière quasiment identique.
Pour reprendre les propres mots du réalisateur : « L'Angleterre était encore dans le traumatisme de l'après-guerre. La population venait seulement de vivre la fin du rationnement. C'était un pays désolé et l'Empire vivait ses derniers instants. Nous, les jeunes, rejetions cette société de classes et de privilèges et aspirions à un pays plus juste et égalitaire - c'est ce qui accompagne l'histoire du film. Quand mon père était à la guerre, je savais que ma mère avait une aventure. Je me suis retrouvé face à un choix cornélien : devais-je trahir ma mère ou trahir mon père ? J'ai adapté ce dilemme dans le film. »
Queen and Country apparait donc au premier plan comme une comédie autobiographique sur fond d'après- guerre locale. Mais c'est aussi une lumineuse reconstitution des souvenirs du réalisateur et un beau travail de mise en scène sur la mémoire. La reconstitution à l'écran est saisissante y compris dans les détails des vêtements et du mobilier. On a du mal à imaginer l'émotion pour le réalisateur de raviver ainsi des souvenirs enfouis depuis plus de 60 ans.
Mais la force du film repose dans son humour « so british » : Queen and Country empaquette la rigueur militaire et l'absurdité de la discipline outrancière en évitant les pièges du brûlot. La première partie présente les facéties des 2 réfractaires, y compris leur attirance pour les infirmières. Ensuite, le réalisateur développe leurs mauvais esprits et leurs « sales » blagues, à la manière de M.A.S.H de Robert Altman. Le passage du vol de l'horloge offerte par la Reine est jubilatoire. Malgré des airs assez académiques, l'ensemble est très plaisant et agréable à suivre. D'autant plus qu'une brillante brochette d'acteurs et actrices britanniques tonifie le film. Les seconds rôles trouvent également une place en or avec en particulier David Thewlis en cinglé du code militaire et Brian F. O'Byrne en supérieur rigide.
Sans nostalgie plombante, et loin du film « testament » ou « bilan », Queen and Country déborde de fraicheur vivifiante et d'une énergie communicative, surtout lorsqu'il décrit également les premiers véritables émois amoureux.
C'est peut-être là l'ultime message universel que le réalisateur souhaite nous livrer avec cette œuvre hommage à la jeunesse et à l'amitié. John Boorman peut (s'il le souhaite) prendre sa retraite sans rougir.
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