Publié par Forrest le 18 mai 2016 à 12:54
- M. Sutherland ? M. Sutherland ? Ouvrez moi !
- C'est vous ? Quel bon vent vous amène ?
- M. Desplechin, M.Sutherland
- Vous n'en avez pas assez de ce M. Sutherland ? A partir de maintenant, on se tutoie et tu m'appelles Donald
- Si vous voulez M. Sutherland
- Câlice ! Bon qu'est ce qu'il a fait Desplechin encore ?
- J'ai réussi à décrocher une interview. Je me suis dit que les informations de premières mains seraient bien plus pertinentes qu'un article wikipedia.
- Eh bien, c'est une bonne idée ça. Tu n'as plus qu'à transcrire et le tour est joué.
- C'est que justement j'ai dû mal à transcrire. Ecoutez ça M. Sutherland.
Arnaud Desplechin est né en 1960 à Roubaix dans le nord. Il est ce que le vulgum pecus appelle un chti.
- Qui parle là ?
- C'est lui M. Sutherland. Il parle de lui à la troisième personne.
- Tant mieux. Ce sera plus facile pour la transcription.
- Si seulement M. Sutherland ! Si seulement !
D'ascendance modeste, Arnaud, son frère et ses deux soeurs ont su transcender les stéréotypes habituellement associés au septentrion français (mais aussi les atavismes génétiques et culturels (ou plutôt inculturels)) pour accéder à des professions intellectuelles. Il étudie à l'Idhec et obtient un diplôme en section ''Réalisation et prises de vue''. Pendant les années 80, il va maigrement subsister grâce à des boulots alimentaires. Il est en effet directeur de la photographie sur plusieurs films avant de réaliser son premier moyen métrage, l'injustement apprécié ''La vie des morts''. Le film obtient à l'unanimité d'une courte majorité du Jury le prix Jean Vigo à la quinzaine des réalisateurs à Cannes.
- Ah oui, je vois ce que tu veux dire ! On n'est pas rendu.
- Ca c'est la partie facile. J'ai déjà fait la transcription. Cela donne :
Né en 1960 à Roubaix, diplômé de l'Idhec, Arnaud Desplechin commence sa carrière comme directeur de la photographie avant de réaliser son premier moyen métrage ''La vie des morts''.
- J'aime bien. C'est sobre. Mais sinon, il parle vraiment avec des parenthèses
- Oui, et avec des notes de l'auteur et des renvois en bas de page aussi.
Avec son premier loong métrage ''La sentinelle'', salué par la critique, il fait ce qu'oncques aucun n'avait fait avant lui...
- Là j'ai décroché. C'est qui ce con coquin ?
- C'est personne.
- Comment ça personne, c'est bien quelqu'un non ?
- Non justement, sa phrase signifie ce que personne n'avait fait avant lui.
- Ah... c'est plus clair. Je ne connaissait pas l'expression. Je m'en resservirai
... et entremêle plusieurs niveaux de récit et différents genres cinématographiques (thriller, film d'espionnage, film noir, étude sociale) au sein d'un film. Parce qu'il a su transcender les genres, le film résonne comme un coup de tonnerre dans le landerneau amidonné du cinéma français. Le film reçoit des critiques laudatives de la part des critiques exigeants et installe durablement son auteur dans le paysage des réalisateurs de talents. En dépit des nombreuses récompenses, le film n'est vu que par les cinéphiles avertis.
- Bon, là c'est à peu près clair. Tu devrais t'en sortir non ?
- Oui, M. Sutherland, j'ai fait la transcription de cette partie. Je modifie un truc... voila ce que ça donne.
En 1992, il réalise son premier long métrage ''La sentinelle'' qui, malgré un succès critique, n'est vu que par un abruti coquin.
- Hop là mon gars ! Un abruti coquin ???
- Ben oui M. Sutherland, je n'allais tout de même pas écrire ''con'' dans ma biographie. Elles ont une tenue mes biographies. Et comme il le dit lui même, personne ne l'a vu son film. Alors...
- Dit comme ça je comprends... Tu sais que tu as une belle tête de coquin mon gars ?
- C'est gentil M. Sutherland. On peut continuer ?
- Oh oui, continuons, ce serait dommage de s'arrêter là !
Je ne vous ferai pas l'insulte de parcourir les 9 films de sa Filmographie. Attardons nous néanmoins sur ses oeuvres les plus emblématiques. Fin 1994, le réalisateur inaugure son grand oeuvre, son orichalque, son tryptique inachevé... dans ''Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), on suit les aventures de Paul Dédalus, normalien (en lettres modernes) mais néanmoins doté d'un charme indéniable auprès de la gente féminine. Mathieu Almaric y joue, magnifié par la réalisation, un alter égo du réalisateur en prise avec sa conscience, ses difficultés relationnelles et les femmes. Les inrockuptibles soulignent la « densité thématique et l'épaisseur romanesque inhabituelles dans le jeune cinéma français » et supposent déjà dès sa sortie que ce sera « un grand film générationnel ». EN 2014, dans ''3 souvenirs de ma jeunesse'', l'Auteur remet en scène Paul Dédalus dans un préquel sequel qui se remémore des souvenirs de jeunesse. Le film est une allégorie post-moderne sur le rapport ambigu entre intellectualisme et sexualité, et son exacerbation dans le microsystème bobo parisien.
- Effectivement, là, on n'est pas rendu. Tu as une idée ?
- Le prequel sequel c'est comme Star Wars chapitre I non ? Vous croyez que ça a un rapport ?
- Tout à fait ! C'est une super idée que tu as là mon gars ! Développe...
- Alors les deux films seraient une réécriture à la française de Star Wars... une transposition à la mode rue d'Ulm ? Vous m'aidez beaucoup M. Sutherland. Merci...
- De rien... ces biographies avec toi sont un bonheur tous les jours renouvelé
- Mais cela n'explique pas l'orichalque. J'ai cherché sur wikipedia et c'est un alliage légendaire mais ça n'a aucun rapport avec le reste. Tant pis, je vais le faire sauter au montage. Alors pour la transcription, je vous propose...
Entre 1994 et 2014, Desplechin transpose l'univers de Star Wars à Montreuil. Son adaptation plus sexualisée et intellectualisée que l'originale met en scène Mathieu Amalric dans le rôle de Paul Dédalus/Dark Vador alter égo du réalisateur.
- Je suis très fier de mon ''plus sexualisée et intellectualisée'', je trouve que cela rend bien le ton de l'interview.
- Oui, mais on peut aussi y discerner ta touche personnelle.
- Merci M. Sutherland, cela me touche beaucoup.
En 2000, il coécrit avec Emmanuel Bourdieu le scénario d'Esther Kahn. Le film décrit avec alacrité le passage à l'âge adulte d'une jeune fille anglaise issue d'une famille juive, à travers la découverte du théâtre et de l'amour. Le film reprenant les thèmes chers à François Truffaut est un hommage. Un hommage au Maître tout d'abord mais aussi à la Nouvelle Vague. Il est l'occasion pour le Metteur en scène d'y lancer ce qu'il appelle dans son cénacle la Nouvelle Nouvelle Vague. Le film est en compétition pour la Palme d'or, troisième sélection au festival. L'Auteur a l'opportunité de revenir à Cannes avec Jimmy P. (Psychothérapie d'un indien des plaines), comédie dramatique directement inspirée du travail de l'anthropologue et ethnopsychanalyste Georges Devereux qui met en scène les rapports médicaux et humains du thérapeute avec son premier patient, le pied-noir Jimmy Picard, vétéran américain de la Seconde Guerre mondiale atteint de troubles post-traumatiques ayant une origine profonde dans son vécu personnel qui est tout à la fois liée à ses rapports familiaux et à la confrontation de ses origines ethniques à la culture de l'Amérique blanche.
- Le truc sur le pied noir je suis pas sûr... On peut être pied noir et américain en même temps ?
- C'est un détail ça mon gars... Ne t'attarde pas aux détails. Tu as écrit quoi pour cette partie ?
Pendant les années 2000, Desplechin continue à exploiter la veine cinéma d'auteur et réalise plusieurs films (Esther Kahn, Jimmy P. (Confession d'un indien des plaines)) hermétiques et dédiés à un public intellectuel et élitiste.
- Bon ben c'est parfait ça... Il reste des trucs sur ton enregistrement qu'on en finisse ?
- A partir de là, je n'ai plus écouté, voyons voir ...
Bin content ksoit finite chtistoère ! El lang' ed chés gins, el queu ed'chés t'chiens, in n'peus pon z'impécher d'berloquer.
Les commentaires récents